La place de la peinture dans l’œuvre de René Crevel est capitale. Elle constitue le point d’ancrage d’une création protéiforme, sans hiérarchie de genres, toutes les formes d’art réunies dans un perpétuel mouvement de va-et-vient d’une expression à l’autre. Chez Crevel, la peinture a engendré l’œuvre décoratif, qui à son tour a enrichi de ses trouvailles iconographiques et esthétiques l’œuvre peint. Et alors qu’il se révèle bientôt comme l’un des artistes décorateurs les plus novateurs de son temps, il mène de front son activité de peintre. Dès le début, il explore plusieurs voies : d’abord influencé par le japonisme et le cloisonnisme chers aux peintres Nabis dont il adopte les aplats de couleurs franches cernées de noir, il affirme son style au sortir de la Première Guerre mondiale : d’abord à Triel dont il peint une suite particulièrement audacieuse de tableaux au graphisme expressif et aux tons fauves. Puis à Fécamp où son expression se fait très synthétique, aux marges de l’abstraction, et sa palette plus nuancée.
Au tournant des années trente, marquées par le retour à la figuration, il oriente son style vers un cubisme décoratif, peignant des paysages idéalisés peuplés de personnages imaginaires, mais aussi vers un réalisme simplifié, poétique ou social, d’une grande force d’évocation. Dessinateur et coloriste, il se révèle, la maturité venue, comme un aquarelliste prolifique : on lui doit d’innombrables vues de ports et de paysages traitées à l’aquarelle, dont il est l’un des magiciens.
Crevel laisse une œuvre considérable, dessins au crayon et à l’encre, huiles, gouaches et aquarelles. Elle est à découvrir tant elle est l’expression d’un peintre singulier et tant elle contribue par ailleurs à éclairer, par bien des aspects, l’une des œuvres décoratives les plus marquantes de l’entre-deux-guerres.